Managers and professionals face to employability. The unemployment of French managers in the 1990's
Les cadres à l'épreuve de l'employabilité. Le chômage des cadres dans les années 1990 en France
Résumé
This PhD thesis tries to estimate how the unemployment growth between 1990 and 1995 has contributed to the "destabilization of stable employees" in France. The increase of managers and professionals' unemployment rate has participated to a debate on the evolutions of careers, the image of a "cadre" (employment stability, homogeneity, specificity) has been considered obsolete and replaced in journalists and HR discourses by two new figures: a negative one, the "precarious white collars" (closer to blue-collars in employment insecurity) and a positive one, the "boundaryless careers" (closer to entrepreneurs in mobility and risks taking). The first part shows how these reflections on the evolution of managerial careers underestimate the role of experts and spokesmen, the internal heterogeneity and the growing feminization of these qualified workers. These homogeneous discourses, negative or positive, are strongly nuanced by statistical analyses on mobility flux and trajectories (vulnerability / employability), based on the French Labour Survey. The second part is focused on the social conditions of diffusion and appropriation of the image of a "boundaryless career" and proposes a sociological analysis of job research, object often neglected by the sociology of unemployment. A job research can be analysed as a moment of secondary socialization to the norms of the "new spirit of capitalism", based on notions like project, employability, networks and transferable skills. This rhetoric can help fired managers to adopt substitution status and avoid the unemployment stigma, and is adapted to their ethos (psychologization, individualism, rationalization). But the analysis of their effective job researches reveal social inequalities within the group of managers and professionals, mainly on diploma, age and type of occupations/sectors. While employment intermediaries encourage managers and professionals to intensively mobilize their networks to find a job, the interviews show the practical difficulty of opportunism in social relationships, especially with friends. To better understand how people live careers and professional transitions, we need also to analyse the articulation between occupational life and private life, in a gender perspective. Managers and professionals are not "nomads" mobiles within their networkers, and used to career accidents. They are sexual individuals that are embedded in a family configuration. During this difficult life period, particularly at mid-career, men try to keep their place in their family (usually as main-bread-winner) but women try to keep their autonomy (that they had build before). The centrality of work in symbolic but also material terms, is in definitive confirmed by the unemployment experience, and even sometimes create a re-sacralization of work, particularly for those who try to find their vocation and a sense to life through their new job.
Cette thèse vise à évaluer dans quelle mesure le chômage des cadres au début des années 1990 a contribué à la " déstabilisation des stables ". La première partie, fondée sur des archives de presse et des archives syndicales depuis les années 1970, révèle comment le chômage des cadres a contribué à mettre en débat les représentations de la catégorie ; la figure du " cadre-à-statut " (stabilité, homogénéité, spécificité), considérée comme obsolète, est remplacée dans les discours des journalistes, des Ressources Humaines et des syndicats par deux nouvelles figures : une négative " le cadre précaire " (rapprochement cadres / non - cadres dans la précarité) et une positive " le cadre nomade " (rapprochement cadres / entrepreneurs dans la mobilité et le risque). Mais les réflexions en terme de figure sous-estiment le rôle des porte-parole et des experts, l'hétérogénéité structurelle et la féminisation croissante des cadres et sont fortement nuancées par les analyses statistiques des flux de mobilité et de retour à l'emploi des chômeurs (leur vulnérabilité et leur employabilité), réalisées avec les enquêtes Emploi de l'INSEE. La seconde partie est centrée sur les conditions sociales de diffusion et d'appropriation de la figure du " cadre nomade ", et propose une analyse sociologique de la recherche d'emploi, dimension souvent négligée en sociologie du chômage. Elle montre que la recherche d'emploi est un espace de socialisation à ces nouvelles normes d'emploi fondée sur la logique employabilité, qui est le versant externe de la logique compétences. Cette rhétorique permet aux cadres d'adopter des status de substitution et d'éviter le stigmate du " chômeur assisté", et correspond à leur " ethos " (psychologisation, individualisme, rationalisation). L'étude de sa mise en pratique à travers les récits de recherche d'emploi sur un marché du travail localisé en province (Aix-Marseille) rappelle l'hétérogénéité des cadres, notamment en terme de diplôme, d'âge et de type de professions/secteurs d'activité. Alors que les intermédiaires de l'emploi incitent les cadres à mobiliser intensivement leurs réseaux pour retrouver un emploi, les entretiens montrent la difficulté pratique de l'opportunisme dans les relations sociales, notamment avec ses ami.es. Pour comprendre les carrières et les transitions professionnelles des cadres, il faut enfin se situer à l'articulation entre la vie professionnelle et la vie privée, notamment la vie conjugale et familiale. Les cadres ne sont pas des " nomades ", définis comme individus légers, mobiles, pour qui le chômage est un événement banal. Ce sont des personnes sexuées inscrites, après 30 ans notamment, dans une configuration familiale : les hommes essayent alors dans cette épreuve de garder leur place, tandis que les femmes cadres, notamment les mères de famille, tentent de conserver leur autonomie. La place centrale du travail reste en définitive confirmée par l'épreuve du chômage, qui parfois génère paradoxalement une re-sacralisation du travail, notamment pour celles et ceux qui cherchent désormais une "vocation" (soit un métier qui ait du "sens" et corresponde davantage à leurs valeurs).
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