Comics creators : the thwarted formation of a social group
Les auteurs et autrices de bande dessinée. La formation contrariée d'un groupe social
Résumé
Comic book artist remains one of the least known professions, both to the general public and to public authorities as well as to researchers in social sciences. In recent years, however, comic book artists have attempted to be heard in the French public arena, in order to make the authorities recognize the problems that they consider to be a burden on their activity: economic precariousness, suffering at work, sexism, lack of social recognition, inadequate legal and fiscal status. Some of them have committed themselves to transform their professional community into a professional group, with the hope of making their various interlocutors recognize the specificity and autonomy of this group. In the meantime, many comic book artists remain skeptical, if not reticent, about the idea of a collective organization and regulation of their activity. The first ambition of this thesis was to lift the veil on the daily life of this profession and on a reality that usually remains in the shadows. By entering the workplace of artists, by attending their daily exchanges and by following them in conventions, it was possible to understand the conditions and logic of their work. The second ambition of this thesis will have been to understand why the profession of comic book artist remains so poorly known and recognized. For this purpose, I followed several collectives of artists, which are trying to give their profession a form of unity and visibility. These analyses led me to defend the idea that the difficulties of comic book artists, in building collective claims and giving a political existence to their professional group, are mainly due to the way in which their activity was organized. In other words, in order to understand the limits encountered by certain critical processes within a profession, we must return to the structure of work relations to observe the type of relationships and norms that it favors (or, on the contrary, makes more difficult). This analysis grid can be applied over the long term: such retrospection allows us to understand the persistent difficulty of constituting politically the profession of comic book artist since its early formation. It also helps us to identify the moments in its history when this political constitution began its development and thus, to better understand the conditions that would be necessary today for it to fully take place.
Le métier d’auteur/autrice de BD demeure parmi les plus méconnus, tant du grand public et des pouvoirs publics que des chercheurs et chercheuses en sciences sociales. Ces dernières années cependant, des professionnels de la BD ont cherché à faire entendre dans l’espace public français, et à faire reconnaître par les pouvoirs publics, des problèmes qu’ils/elles jugent grever leur activité : précarité économique, souffrances au travail, sexisme, manque de reconnaissance sociale, statuts juridiques et fiscaux inadaptés... Certains d’entre eux/elles se sont dès lors engagés dans la transformation de leur communauté de métier en un groupe professionnel à part entière, avec l’espoir que sa spécificité et son autonomie soient reconnues par leurs divers interlocuteurs, parmi lesquels l’État. Toutefois, beaucoup d’auteurs et d’autrices de BD se montrent sceptiques, sinon réticents, à l’idée d’une organisation et d’une régulation collectives de leur activité. La première ambition de cette thèse aura été de lever le voile sur un métier qui demeure généralement dans l’ombre et sur la réalité de son quotidien. En entrant dans les ateliers de ceux et celles qui le pratiquent, en assistant à leurs échanges journaliers et en les suivant dans ces lieux essentiels pour eux/elles que sont les festivals, il a été possible de comprendre les conditions et les logiques de leur travail. La seconde ambition de cette thèse aura été de comprendre pourquoi le métier d’auteur/autrice de BD reste si mal connu et reconnu. À cet effet, j’ai suivi plusieurs collectifs d’auteurs et/ou d’autrices tentant de conférer à leur profession une forme d’unité et de visibilité. Ces analyses m’ont conduit à défendre l’idée que les difficultés des auteurs/autrices de BD à construire des revendications collectives et à donner à leur groupe professionnel une existence politique tiennent avant tout à la manière dont leur activité s’organise. En d’autres termes, pour comprendre la limite rencontrée par certains processus critiques au sein d’un milieu professionnel, il faut en revenir à la structuration des rapports de travail et au type de relations et de normes qu’elle favorise ou qu’au contraire, elle rend plus difficiles. Cette grille d’analyse peut dès lors être appliquée sur la longue durée : une telle rétrospection permet de comprendre la difficulté persistante que le métier d’auteur/autrice de BD a rencontrée, depuis sa naissance, pour se constituer politiquement. Elle permet aussi d’interpréter les moments de son histoire où cette constitution politique a commencé à s’élaborer et ainsi, de mieux comprendre les conditions qui seraient aujourd’hui nécessaires pour que cette constitution ait pleinement lieu.