L’étude du risque maritime à la Martinique, durant le XIXe siècle, a permis de mettre en évidence la perte d’environ 600 navires. Cette thèse repose sur le principe que le naufrage est un prisme permettant l’étude historique des sociétés côtières. Le naufrage n’en reste pas moins un évènement marginal puisque l’analyse du risque maritime démontre que moins de 1% des navires fréquentant la Martinique s’y perd. La principale cause du désastre est l’aléa climatique : ouragans, coups de vent ou raz-de-marée… La seconde réside dans les erreurs humaines. Dans ce cas de figure, c’est une faute du capitaine, de l’équipage ou du pilote du port qui provoque le naufrage. Les répercussions volcaniques de l’éruption du 8 mai 1902 ne représentent que 4% de notre échantillon. L’étude géographique prouve que le phénomène du naufrage est un majoritairement côtier puisque 94% des pertes sont localisées près des rivages. Tout au long de la période analysée, c’est la rade de Saint-Pierre qui constitue le lieu le plus à risque pour la navigation. Celle-ci ne protège nullement les navires durant la saison cyclonique. Le second pôle des pertes est situé à Fort-de-France. Ces disparités géographiques sont représentatives de la rivalité commerciale qui se joue entre la cité du Nord et la capitale administrative. Le naufrage est une fenêtre pour l’analyse des flux maritimes. Au XIXe siècle, Saint-Pierre garde son rôle hégémonique de centre du commerce. Les vaisseaux accostant naviguent principalement sous pavillon français, la Martinique restant sous l’emprise de « l’exclusif colonial » jusqu’aux années 1860. Néanmoins, cette interdiction est de moins en moins respectée dans les faits puisqu’il n’est pas rare de trouver la mention de la perte d’un bateau américain ou anglais. Bien que le naufrage ne soit qu’une chose exceptionnelle au regard de la fréquentation maritime globale, les autorités locales adoptent toute une série de mesures en vue de les limiter. Celles-ci font l’objet de rudes débats entre les gens de mer, le capitaine du port et le conseil du gouverneur. Ainsi, la décision d’un mouillage sûr durant la saison cyclonique est prise rapidement. Au XIXe siècle, de nouvelles études hydrographiques sont réalisées en vue d’améliorer la cartographie et/ou de corriger des fautes présentes sur les cartes anciennes. Les progrès technologiques de la marine sont un des facteurs diminuant le risque de perte d’un bâtiment. Le recours à l’utilisation de coque en fer rend les vaisseaux plus solides et plus prompts à reprendre la mer rapidement après un échouage. Enfin, les aménagements portuaires et côtiers, ainsi que le balisage des passes, sont une réponse à la plupart des menaces maritimes. Plusieurs corps-morts et ancres d’amarrage sont installés à Saint-Pierre en vue de sécuriser les navires pendant la saison de l’hivernage. Ces derniers sont cependant en nombre insuffisant face à une fréquentation toujours plus importante. À Fort-de-France, le port est grandement amélioré avec la création de quais et d’un Bassin de Radoub. Au XIXe siècle, la passe du Carénage à Fort-de-France est balisée par des bouées. Des feux sont érigés sur les côtes de la colonie. Les premiers sont ceux du Fort Saint-Louis (1828) et de la Pointe des Nègres (1855). L’atterrissage nocturne est sécurisé avec le phare de la Caravelle en 1862. D’autres sont édifiés à Saint-Pierre. Encore faut-il que toutes ces améliorations et constructions soient une réponse adéquate aux risques. Si certaines d’entre elles y répondent correctement d’autres ne constituent qu’une gabegie financière et ne servent que d’amers à la navigation comme c’est le cas pour le phare de la place Bertin. En conclusion, cette thèse a mis en évidence que le risque maritime à la Martinique est présent mais qu’il est minime. La sécurisation des côtes est progressive et se fait au fur et à mesure.