L'impératif de détecter les risques et les opportunités dans le cadre de la directive CSR (Corporate Sustainability Reporting Directive) a remis au goût du jour l’intérêt de pratiquer la prospective, devenue un pilier incontournable de la gestion d'entreprise, en réponse aux exigences croissantes en termes de durabilité, de gouvernance. Toutefois, face au peu de travaux académiques consacrés au sujet, cette recherche vise à en explorer les modalités, se concentrant plus particulièrement sur la prospective stratégique et ses relations avec le capital humain. Dans notre démarche, nous adoptons une approche ascendante basée sur l'abduction, où notre cadre théorique émerge directement du terrain et des faits empiriques. Cette méthode nous permet de construire un modèle intégrant la relation prospective stratégique-capital humain. Les trois théories clés - Resource-Based View, Knowledge-Based View et Dynamic Capabilities - constituent un socle conceptuel solide en vue de façonner potentiellement une entreprise proactive. De manière simultanée, notre approche d'innovation ouverte, également enracinée dans nos constatations, accentue l'interaction entre les environnements interne et externe, contribuant à la dynamique prospective. L’approche épistémologique adoptée se positionne dans une perspective inter-prétativiste, avec une méthodologie qualitative. L'échantillon de notre étude englobe une étude exploratoire comparative avec des experts en prospective, des dirigeants et une diversité de spécialistes, ainsi qu'une étude de cas approfondie de La Poste, une analyse complémentaire de deux cas (EDF et Clairsienne), basée sur 54 entretiens, dont 29 pour l'étude exploratoire et 25 pour les études de cas. Notre modèle théorique, ancré dans ces deux analyses successives, met en évidence l'interdépendance entre les approches écosystémiques de l'innovation et la prospective dans la gestion stratégique du capital humain. La prospective stratégique est considérée comme l'une des micro-fondations de ce processus, jouant un rôle essentiel dans l'identification de nouveaux paradigmes et de modèles innovants, en repérant des ressources stratégiques de grande valeur. En conséquence, elle agit comme un catalyseur des capacités dynamiques. Pour assurer la durabilité de cet écosystème, une convergence des dimensions environnementales, sociales, économiques, etc., est aujourd'hui essentielle afin de mieux comprendre le concept de capital humain dans sa projection future. Cette interdépendance souligne la nécessité d'une perspective plus large du capital humain, allant au-delà des simples salariés pour intégrer l’ensemble des parties prenantes. Cette vision étendue est essentielle pour favoriser la transmission et l'agrégation des connaissances circulant librement entre les écosystèmes, à la fois internes et externes. Les connaissances sont considérées comme le produit de l’écosystème, générées par la démarche prospective qui promeut une dimension d'ouverture, créant ainsi un circuit interactif et collaboratif d'informations et d'idées. Les notions émergentes d'agilité et de flexibilité sont cruciales pour promouvoir le dialogue entre les fonctions et dissoudre les silos organisationnels, ces derniers ayant un impact négatif sur la relation entre l'innovation et le développement stratégique du capital humain. En combinant ces aspects, nous offrons des perspectives éclairantes pour construire des organisations résilientes et prospères dans un environnement VUCA. Cependant, le désalignement observé entre les ressources humaines et la direction stratégique limite souvent l’impact stratégique des pratiques prospectives et rend difficile leur appropriation au sein de l’entreprise. Notre recherche ouvre des perspectives intéressantes, car elle permet de restituer l'utilité de la prospective dans le champ du management stratégique, mettant en lumière les facteurs organisationnels influant sur sa mise en oeuvre.