Le 13 juillet 1430, une femme et deux hommes furent emprisonnés pour cause d’hérésie par l’Official dans les geôles du château de Selles à Cambrai. La croisade menées par Philippe le Bon contre les Pragois de ses domaines était lancée depuis un an. La femme s’appelait Jehanne de Mons ; elle était bourgeoise de Valenciennes, chapelière et mère de famille. Willaime de Bronrad était un prédicant vaudois originaire d’Allemagne et le second mari de Jehanne de Mons ; il avait sculpté les murs d’une salle du château-prison de bas-reliefs en bandes illustrant leur histoire avant de monter sur le bûcher. Le troisième homme s’appelait Jehan Hauswart et de lui nous n’avons conservé que trois œuvres d’art brut gravées au-dessus d’un des deux panneaux sculptés par son compagnon Willaime, dont un petit texte destiné à Bernard, l’enfant du couple ; il s’agit de 26 scènes qui narrent le parcours de cette famille anéantie sur les bûchers de l’Inquisition. Le 9 aout 1430, un des trois bûchers consuma le cadavre en voie de décomposition de Jehanne de Mons. Les archives ne sont pas restées muettes à propos de ces trois victimes de l’Inquisition. La foi de ces trois personnages est perceptible dans plusieurs manuscrits dont celui du Puer bohemus conservé à la Badische Landesbibliothek de Karlsruhe : il pourrait être la dernière œuvre d’un ou deux des trois prisonniers du château de Selles. La prosopographie et la reconstruction plus hypothétique des parcours et des idées viennent renforcer les intuitions de plusieurs historiens du fait religieux et des dissidences entre les deux grands conciles de Constance et de Bâle. Le diocèse de Cambrai, traversé par l’Escaut, a été le creuset de dissidences originales, durables, marquées par une solide pratique scripturaire et une certaine rigueur théologique. Un trait spiritualiste, non retrouvé à l’époque dans d’autres régions de l’Europe, s’est mêlé au valdéisme de fond.