Située au carrefour du monde égéen, du Levant et du plateau anatolien, la Cilicie est une région stratégique pour tous les empires successifs de la Méditerranée et du Moyen-Orient antiques. Dans cette région de passage marquée par le multiculturalisme et l'hybridité, les cultures anatoliennes louvite, hittite et hourrite du IIe millénaire ont rencontré les cultures syrienne, phénicienne et mésopotamiennes, puis perse, grecque et romaine. Perçue avant tout par Rome comme une entité géographique sise entre Taurus et Syrie, la Cilicie n'a toutefois connu ni réelle unité politique ni identité culturelle propre se manifestant à l'échelle régionale. Cette région née d'une opération administrative et fiscale à l'époque achéménide n'a ainsi jamais constitué un royaume et n'a connu ni langue ni culte commun à l'ensemble du territoire. C'est au contraire une région-frontière marquée par de multiples dynamiques historiques, religieuses et culturelles locales qui se manifestent par un certain morcellement politique et culturel de la région. La Cilicie est ainsi difficile à appréhender et l'opposition géomorphologique entre Cilicie de montagnes et Cilicie des plaines comme la vision ethno-géographique des Anciens décrivant deux mondes antagonistes ont pu donner une perception quelque peu biaisée des sociétés ciliciennes. L'étude des divinités et des cultes en Cilicie, s'intéressant essentiellement à l'histoire des discours sur les dieux, des représentations et des dénominations divines, permet ainsi de comprendre les dynamiques culturelles complexes de cette région-frontière et de mettre en évidence sept micro-régions culturelles à l'intérieur d'un espace cilicien morcelé. Une telle approche requiert d'inscrire l'analyse des faits religieux dans une séquence chronologique large, depuis l'époque achéménide jusqu'à la crise du IIIe siècle après J.C., sans toutefois s'interdire de prendre en compte la documentation antérieure pour éclairer nos sources.