Au cours du Quaternaire, l’Afrique de l’Est a été le théâtre d’importants changements climatiques et culturels. L’augmentation des précipitations, principalement liée aux paramètres orbitaux de la Terre, a été responsable de la dernière Période Humide Africaine (PHA ; ~14 - ~6 ka). Une période caractérisée par la transgression des grands bassins lacustres, par l’activation des systèmes fluviatiles et par la diffusion de la couverture végétale sur des zones aujourd’hui désertiques. Cependant, le début et la fin de cette période humide n’ont pas été synchrones sur tout le continent et de courts épisodes d’aridité l’ont ponctuée. A ce jour, les mécanismes de ces variabilités millénaire et centennale restent encore fortement débattus. A partir de 14 mil ans, l’augmentation d’intensité de mousson associée aux masses d’air venant de l’océan Atlantique modulée par celle venant de l’océan Indien, semble avoir été le principal moteur de la distribution des précipitations au niveau du Hauts Plateaux Ethiopiens. Ceci a fortement affecté le régime hydrologique des deux grands hydro-systèmes d’Afrique de l’Est : les bassins du Nil et du Lac Abhé. Dans ce scenario de forte variabilité environnementale, un des plus importants changementssocio-économiques de l’histoire de l’Homme a eu lieu, dans la Corne de l’Afrique : la disparition des dernières populations de chasseurs-cueilleurs et l’émergence des premières sociétés de production. La concomitance de ces bouleversements climatiques et culturels pose donc la question du rôle des changements environnementaux dans la diffusion des nouvelles formes de modèles socio-économiques.L’objectif de ce travail de thèse est de mieux comprendre la coévolution Homme-Climat pendant la Période Humide Africaine à partir d’une étude multi-échelle et multidisciplinaire. Premièrement, une reconstitution des variations hydroclimatiques est proposée sur la base d’une comparaison entre : a) les reconstitutions centennales d’intensité et de fréquence des crues du Nil à l’Holocène à partir de l’étude d’une séquence sédimentaire prélevée au sein du Delta Profond du Nil ; b) la reconstitution des fluctuations hydrologiques du paléo-Lac Abhé (Ethiopie, Djibouti) à partir de la documentation et de la datation des anciens paléo-rivages lacustres. Deuxièmement, la caractérisation de l’impact de ces changements hydrologiques sur l’évolution des paléo-paysages littoraux autour du bassin du Lac Abhé a été étudiée. Enfin, l’étude des changements paysagers et morpho-sédimentaires en lien avec les dynamiques chrono-spatiales des occupations humaines dans ce même bassin est abordé.Ce travail de thèse a permis de préciser la compréhension de la distribution spatio-temporelle des changements hydroclimatiques en Afrique de l’Est, caractérisée par une forte activité de la mousson entre ~11 et ~9 ka BP, suivi par une aridification progressive jusqu’à la fin de la PHA. Ensuite, la persistance de conditions humides dans la partie Nord du Rift à l’Holocène Moyen suggère une influence de la Zone de Convergence du Congo dans le contrôle des précipitations dans cette région. La détection des facteurs du contrôle géomorphologiques et tectoniques sur les transferts hydro-sédimentaires qui affectent l’évolution de ces bassins à permit aussi de mieux contraindre les effets de ces changements climatiques sur large et petite échelle. A partir de l’estimation de la réactivité des paléo-paysages sous le forçage de ces changements hydrologiques, nous démontrons une forte mobilité des populations en lien avec les fluctuations hydrologiques du paléolac Abhe. D’abord avec une forte exploitation des ressources aquatiques par des sociétés de chasseurs-pécheurs les et ensuite par l’intégration de l’élevage en concomitance avec l’installation de conditions plus arides. Cette étude a permis de souligner l’évidence d’une adaptation des systèmes socio-économiques Holocènes aux changements hydro-climatiques à l’échelle régionale mais aussi locale.