La critique forstérienne a souvent souligné les contradictions de l’écrivain, tant dans son style que dans ses idées et son engagement politique, en omettant souvent les complexités et la richesse des réflexions et des recherches esthétiques de Forster. Ses propos sur l’établissement d’une «aristocratie du sensible» au sein de la démocratie, sa croyance en la liberté individuelle et sa promotion du «[o]nly connect...» de Margaret Schlegel dans Howards End, ainsi que les explorations stylistiques induites par ces tensions intellectuelles, sont autant d’étapes dans la quête ininterrompue de l’écrivain d’espaces esthétiques et politiques véritablement communs puisque pluriels et dissensuels. Cette thèse se propose d’étudier l’engagement démocratique de l’écrivain en s’appuyant à la fois sur les essais, la fiction mais aussi les BBC Talksd’E. M. Forster. Il s’agit ici de mettre en lumière son écriture comme un espace commun où les personnages et le lecteur peuvent faire l’expérience de l’altérité. Forster exploite la particularité de chaque forme dans la mise en place d’une circulation et une ouverture démocratique du sens, et interroge par la même occasion la nature d’un objet esthétique ou d’un objet politique. La place de l’artiste dans «l’espace des discussions publiques», pour reprendre les mots de Jacques Rancière, soulève également la question de l’articulation entre esthétique et politique. E. M. Forster y a été particulièrement confronté en raison des événements historiques dont il a été le contemporain, qu’on parle ici des guerres mondiales qui ont secoué l’Europe ou bien des bouleversements éthiques et esthétiques du tournant du siècle. Ceux-ci ont souvent amené l’écrivain édouardien à réagir, que ce soit dans ses essais, mais aussi au sein même de sa fiction. Le présent travail analyse la façon dont l’auteur a répondu aux crises politiques et formelles de son temps à travers ses considérations sur le commun et la démocratie dans son œuvre.