Lorsque nous regardons une scène visuelle, nous avons accès à un ensemble d’informations parmi lesquelles les contenus sémantiques et émotionnels ont un rôle majeur pour la compréhension et l’adaptation à l’environnement physique et social. Il a également été décrit que les associations entre des contenus de niveau « local » (les objets de premier plan) et de niveau « global » (le contexte, d’arrière-plan) permettent à l’observateur de catégoriser rapidement la scène. Or, nous avons mis en évidence, par la réalisation de trois revues critiques de littérature, une quasi absence de prise en compte de l’interaction des dimensions sémantique et émotionnelle lors de la catégorisation visuelle de l’objet et du contexte d’une scène visuelle. Nous avons analysé les traitements sémantiques et émotionnels, ainsi que leurs éventuelles interactions, grâce au paradigme de présentation visuelle rapide, dans une série de quatre études. Dans chacune, deux images (un objet et un contexte) apparaissaient rapidement hors de la vision fovéale. L’étude 1 a analysé l’effet de cohérence sémantique qui décrit des performances de catégorisation de l’objet et du contexte d’une scène visuelle supérieures lorsque les images sont présentées en situation de cohérence sémantique (i.e., selon une relation fortement cooccurrente comme un cochon et une ferme) plutôt qu’en situation d’incohérence (e.g., un cochon et une banquise). Cette étude a mis en évidence que les associations sémantiques entre objet et contexte se réalisent au stade de mise en correspondance entre un percept et une représentation en mémoire à long terme. L’étude 2 a analysé les relations entre traitements sémantiques et émotionnels en proposant une tâche de catégorisation du contenu sémantique et une tâche de catégorisation du contenu émotionnel d’une image neutre ou émotionnelle (positive ou négative). Cette image, de niveau local (objet) ou global (contexte), était présentée en condition de cohérence ou d’incohérence sémantique et émotionnelle (i.e., porteuse du même contenu émotionnel ou non) avec une image de l’autre niveau (objet ou contexte). Cette étude suggère l’existence de traitements sémantiques et émotionnels quelle que soit la tâche de l’observateur, et la présence d’interactions entre ces traitements, et entre l’objet et le contexte de la scène visuelle, variant en fonction des contraintes. Dans l’étude 3 nous avons analysé le développement de ces traitements auprès d’enfants scolarisés en primaire et répliqué les résultats obtenus chez l’adulte, à l’exception de l’effet de cohérence sémantique, qui semble ainsi dépendre de la quantité des expériences de vie. Enfin, l’étude 4 a analysé ces phénomènes auprès d’enfants qui présentent un Trouble Déficitaire de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDA/H), condition à laquelle sont fréquemment associés des difficultés de reconnaissance et de gestion des émotions. Cette dernière étude a montré un traitement des émotions préservé lors d’une présentation visuelle rapide, malgré de plus faibles performances de catégorisation sémantique du groupe TDA/H comparativement au groupe contrôle. Ces résultats suggèrent que le défaut de traitement des émotions relevé dans le TDA/H ne dépendrait pas de la prise initiale des informations, mais serait causé par un dysfonctionnement plus tardif dans la chaîne de traitements qui permet la prise de décision, probablement lié à un déficit attentionnel. D’autres recherches devront explorer si ce déficit provient d’un défaut des capacités d’attention soutenue ou de désengagement des informations émotionnelles. Au total, l’ensemble de ces résultats nous permet de décrire un modèle dynamique de la perception visuelle dans lequel les traitements sémantiques et émotionnels suivent des trajectoires développementales asynchrones et dont la priorisation d’une dimension de traitement sur une autre n’est pas préétablie, mais varie en fonction des contraintes liées à l’environnement et à l’observateur.