La sécheresse oculaire (SSO) est une maladie multifactorielle de la surface oculaire caractérisée par une instabilité du film lacrymal, une hyperosmolarité, une inflammation de la surface oculaire et des anomalies neurosensorielles. Sa prévalence varie de 5% à 50% selon la population et les critères diagnostiques utilisés, ce qui en fait l'une des maladies oculaires les plus fréquentes. Ses facteurs de risque sont nombreux (âge, sexe féminin, déséquilibre hormonal, exposition aux écrans/lumière, lentilles de contact, carence en vitamines, infections, médicaments, conservateurs des collyres, désinfectants ménagers et industriels, polluants atmosphériques, cosmétiques, chirurgie ophtalmique et maladies systémiques et auto-immunes). Elle a un impact important sur la qualité de vie, les performances visuelles et l’exécution des tâches quotidiennes au travail notamment, entraînant une augmentation des cas d'anxiété et de dépression. Le diagnostic de sécheresse oculaire repose sur les symptômes et l'examen clinique, mais la discordance entre signes et symptômes ainsi que l’intrication avec d'autres affections de la surface oculaire comme l’allergie, peut compliquer l’établissement d’un diagnostic précis. Actuellement, malgré de nombreuses études proposant différentes entités moléculaires d’intérêt, il n'existe toujours pas de biomarqueur validé pour cette maladie, ce qui entrave les capacités de dépistage, de diagnostic et le suivi de la réponse au traitement. La protéomique des larmes, parmi d'autres technologies omiques puissantes, est devenue un outil prometteur pour identifier les changements au niveau moléculaire et permettre d’envisager de potentiels biomarqueurs pour la SSO. Cependant, le manque d'études permettant une validation clinique à grande échelle et le manque de critères de diagnostic standardisés représentent de véritables défis. Cette étude s'est d'abord consacrée à l'amélioration de la préparation des échantillons et à l'optimisation des méthodes pré-analytiques analysant les effets d’agents tensioactifs sur le rendement des étapes d’extraction des protéines et améliorant l'identification des protéines en spectrométrie de masse en incluant les protéines intracellulaires prélevées grâce à une bandelette de Schirmer (ScS), couramment utilisée par les cliniciens pour recueiller et quantifier les larmes. Nous avons pu caractériser des prélèvements de larmes chez des sujets sains selon différentes parties de la ScS à l'aide du timsTOF Pro. Une vue holistique des principales protéines présentes à partir des composants cellulaires et solubles, a été réalisée. Une analyse séparée des deux parties de la bandelette a permis l'identification de protéines supplémentaires et les enzymes constituaient le plus grand groupe de protéines parmi les protéines identifiées. Nous avons contribué à la description et à la comparaison de plusieurs voies de signalisation associées à la surface oculaire impliquant le système immunitaire ou la glycosylation des protéines, par exemple. Puis nous avons réalisé une compilation d’un ensemble de données protéomiques issues de différentes études permettant l’identification de 1010 enzymes. Enfin, ce travail de thèse a identifié dans le protéome lacrymal des patients diverses nouvelles cibles d'intérêt impliquées dans le cytosquelette, le stress oxydant, l'apoptose, la protection cellulaire et l'inflammation. Nous avons sélectionné certaines cibles pour les étudier dans des modèles in vitro et dans une plus grande cohorte de patients, montrant des résultats prometteurs. Cependant, des recherches supplémentaires et une validation clinique plus importante restent nécessaires pour mieux comprendre cette pathologie complexe. En conclusion, la sécheresse oculaire est une maladie de surface oculaire, handicapante au quotidien, et dont l’incidence ne cesse de croître et pour laquelle le développement de biomarqueurs validés pour un diagnostic précis et un traitement efficace reste indispensable.