Une étude des récipients en bois utilisés par les norrois groenlandais offre un aperçu des stratégies de gestion de la matière première, ainsi que de l’organisation des activités domestiques et artisanales qui rythmaient le quotidien de cette population. Ce travail de recherche propose un regard neuf sur l’exploitation du bois dans l’Atlantique Nord à la période médiévale, depuis la sélection et la transformation de la matière première, jusqu’à la fabrication, l’utilisation, voire le réemploi des récipients. Une approche interdisciplinaire a été mise en œuvre. Une analyse typo-techno- fonctionnelle d’une part, et xylo-dendrologique d’autre part, a été appliquée à 750 éléments de récipients assemblés et monoxyles, issus à la fois de contextes d’habitat, de zones artisanales liées aux activités agropastorales, et de dépotoirs. Ce corpus est issu de sept sites, répartis dans les deux principales zones du peuplement norrois au Groenland, et dont la séquence chronologique couvre l’ensemble de la période d’occupation, depuis la fin du Xème siècle jusqu’au milieu du XVème siècle. En complément, nous proposons une réflexion centrée sur l’importance des forêts, des arbres et du bois pour la population norroise groenlandaise, à partir de plusieurs sources textuelles, dont la Eiríks saga rauða, la Grænlendinga saga et le Grænlendinga Þáttr. La diversité des récipients en bois rend principalement compte des pratiques de la table, ainsi que d’activités agropastorales possiblement rattachées à la fabrication et au stockage de produits laitiers. On observe également une grande homogénéité des pratiques liées à la sélection et la transformation de la matière première, ainsi qu’à la fabrication des récipients. La caractérisation xylo-dendrologique des objets révèle que les bois utilisés par les artisans norrois sont principalement issus des amas de bois flottés. Dans une moindre mesure, quelques bois natifs du Groenland ont également été sélectionnés, notamment pour la fabrication d’objets atypiques. Les importations depuis l’Europe ou l’Amérique du Nord sont quasi-inexistantes. En dernier lieu, une étude biogéochimique utilisant les isotopes du strontium (Sr), de l’oxygène (O) et de l’hydrogène (H), a été mise en place pour tenter de préciser la provenance des bois utilisés par les artisans norrois groenlandais. La construction d’une base de référence de valeurs isotopiques moderne a permis de démontrer qu’il est possible d’effectuer une séparation relativement claire entre plusieurs des régions d’où pourraient provenir les bois utilisés par les Norrois. En revanche, étant donné que les processus de diagénèse tendent à effacer leurs valeurs isotopiques originelles, nous ne sommes toujours pas en mesure de déterminer si elles correspondent bien à la zone de développement de l’arbre.