Ce travail de recherche se propose de participer à la constitution de savoirs sur la pratique clinique en milieu carcéral.La violence de certains patients, sa répétition malgré la contention des murs, ne peut qu’interpeller le psychologue clinicien. Cette recherche explore les aménagements nécessaires des dispositifs cliniciens afin de permettre une rencontre clinique et la mise en place de prise en charge thérapeutique.En premier lieu, la qualité en « aller vers » a été centrale dans notre pratique. Nous sommes sorties du service de santé pour aller à la rencontre de nos patients. Les patients violents sont souvent orientés par des tiers dans un contexte de crise. C’est dans l’échange avec ces professionnels que pourront être définies les conditions facilitatrices de la rencontre clinique : le lien se fait autour d’eux avant de pouvoir se faire avec eux. Dans cette pratique, la rencontre clinique s’organise avec une « phase de contact », au cours de laquelle des rencontres formelles et informelles alternent avec des absences répétées et des interruptions de suivi. Il est également apparu primordial d’aménager une place au langage du corps et de l’acte. Dans une pratique inspirée du « côte à côte », les entretiens psychologiques sont maintenus lors des sanctions disciplinaires car ils permettent d’entrer en contact avec la détresse liée aux éprouvés agonistiques des patients, de se proposer comme témoin de leur expérience et ainsi, de sceller l’alliance thérapeutique.Ces modalités vont permettre l’apprivoisement du lien et l’évolution de la place du clinicien, du témoin impuissant au double en miroir. Elles impliquent cependant un certain nombre de renoncements pour le clinicien.Les suivis s’engagent sans demande, ou dans une demande portée par un autre. Le clinicien adopte une position active, parfois agissante, qui peut l’amener à se questionner sur sa pratique, sur sa légitimité, symptomatique de la honte éprouvée. Nous proposons ici que le transfert dans la clinique des agirs relève d’un transfert par retournement. Dans l’histoire infantile de nos patients, la répétition de l’absence de répondant les a confronté à la solitude radical. Cette forme de nudité psychique est source de honte. Dans un mécanisme de retournement / exhibition, les patients exhibent une violence extrême, qui organise le vide autour d’eux. Ce sentiment de honte entre en résonance avec la question de la légitimité vécue du clinicien et va ouvrir au partage d’affect. Nous proposons que la rencontre avec les patients violents ne peut se faire que si le psychologue accepte de se risquer à la rencontre, s’il accepte une forme de sacrifice, celui d’un idéal de sa pratique. Le lien duel est difficile, il réveille chez les patients la terreur de l’autre et du lien. L’introduction de médiation thérapeutique, en appui sur une dynamique groupale, peut faciliter l’engagement dans un processus de soin psychique. Le conte merveilleux constitue une médiation particulièrement intéressante dans cette clinique. Nous exposons dans ce travail une session du groupe « conte » et l’analyse du matériel clinique démontre comment la médiation par le conte merveilleux a permis de relancer l’associativité groupale. Ce fil associatif se caractérise par des allers – retours incessants entre des éléments du récit et des éléments de vécus subjectifs. C’est ainsi en appui sur le récit du conte que les patients ont pu se risquer à aborder des vécus subjectifs, tissant par là une première trame de narrativité.Le dispositif présenté dans cette recherche a été éprouvé en milieu carcéral ; d’autres médiations thérapeutiques (percussions, danse…) pourraient être expérimentés. Il serait également intéressant d’expérimenter ce dispositif dans la clinique des agirs dans un milieu extérieur.